Histoire et Vie à Saint-Gervais-la-Forêt
Eric Boileau est un des principaux contributeurs dans Wikipédia d’informations et de documentation sur l’histoire et la vie de notre commune.
Eric est né le 22 juin 1971 de parents déjà gervaisiens. Passionné par l’histoire et la vie de notre commune , il contribue largement à alimenter des pages dans Wikipédia.
Parcours patrimoine
Découvrez l’histoire et le patrimoine de Saint-Gervais-la-Forêt au travers d’un parcours et ses 23 étapes.
Seul, en famille, entre amis, partez à la découverte de Saint-Gervais-la-Forêt et laissez-vous guider à travers les rues pour découvrir les pépites patrimoniales des quartiers.
Vous souhaitez partir à la découverte du patrimoine de Saint-Gervais-la-Forêt ?
Le parcours patrimoine est un parcours présenté sous forme d’un cheminement en 23 étapes, jalonné de panneaux explicatifs installés à proximité de nos édifices pour présenter leur histoire et celle de la commune.
Vous pourrez, au gré d’une balade de 7,3 km (2h environ), vous imprégner de l’histoire locale, côtoyer Robert-Houdin, le célèbre magicien, ou partager la bonne crème de Saint-Gervais qui fait la renommée de la commune.
Suivez la laitière, qui sera votre guide tout au long du parcours !
Un guide sur votre smartphone !
Chaque panneaux explicatifs dispose d’un flascode « QR Code » permettant d’être redirigé (via smartphone) vers le site internet de la commune donnant accès a encore plus d’informations (photothèque, témoignages, archives…).
Pour lire les flashcodes :
-> téléchargez une application « QR Code » sur votre smartphone
-> lancer cette application, une vue de l’appareil photo s’ouvrira
-> faites le focus sur le code apposé sur chacun des panneaux explicatifs du parcours, puis flashez.
Vous aurez accès à de nombreuses informations !
Localisation des bornes !
Découvrez les différents points du parcours à l’aide du plan ci-contre. Survolez les numéros sur la carte et de la légende pour avoir un aperçu des lieux.
A la découverte des 23 étapes du parcours !
Étape 1 : Les ponts Saint-Michel
Les vestiges montrent une construction de grande ampleur d’arches moins nombreuses – vingt-quatre arches seulement, plus hautes et plus grandes que celles des ponts Chastrés, pas de levées, pas de petites arches basses. La première mention de ces ponts date de 12021, dans un acte du prieuré Saint-Lazare de Blois.
On a voulu pendant longtemps montrer que les lieux dédiés à saint Michel succédaient à des lieux de dévotion, d’une haute antiquité, dédiés à Mercure. Une croix de saint Michel, qui a disparu, érigée au bout du pont, a finalement donné son nom aux ponts.
Ces ponts demandent l’investissement de sommes énormes pour les maintenir en bon état, d’où une liste sans fin de dépenses dont on trouve la trace dans les archives de la Chambre des Comptes de Blois (notamment les archives du Fonds Joursanvault de la Bibliothèque Abbé-Grégoire)2 ou les registres de délibérations municipales de la commune de Blois3.
Au XIXe siècle, de nombreux autres travaux doivent être réalisés, surtout après les grandes crues centennales. Les sommes investies continuellement, sans beaucoup d’effet, sur ces ponts, par les communes de Blois et Saint-Gervais expliquent en partie, leur démolition.
La décision de créer une nouvelle route partant du pont de pierre édifié de 1716 à 1724 – aujourd’hui le pont Jacques-Gabriel, et la construction du pont de Saint-Gervais sur le Cosson en 1770, signent l’arrêt de mort des ponts Saint-Michel.
En 1802, une arche est réparée, même si l’avenue de Saint-Gervais est devenue la voie de communication essentielle, on n’utilise plus les ponts Saint-Michel. C’est ce que dit un peu méchamment, Bergevin4: « Attendu qu’au moyen de la nouvelle route qui conduit dans la Sologne, il était peu fréquenté et qu’il ne servait plus qu’aux fainéants et aux bandits qui n’aiment pas les grandes routes et aux dévastateurs des forêts ».
En 1846, le même historien annonce la fin définitive de cette voie de communication : «Les arches qui en restent semblent être d’une construction plus ancienne que celles des Ponts-Chartrains.
Ces ruines ne sont plus d’aucune utilité, et sans doute on achèvera tôt ou tard de les faire disparaître complètement ». En effet, du fait de leur peu d’utilité, les ponts sont rasés en 1867 et détruits en 1885, d’autant plus que, comme pour les ponts Chartrains, leur position nord-sud empêchait le flux des eaux de crues. Pour la circulation locale, le pont du moulin des ponts Saint-Michel qui enjambe le Cosson, est construit en 1868 sur des vestiges de piliers de l’ancien pont.
1 Acte du prieuré de Saint-Lazare (Jean-Paul Sauvage, « Blois insolite et secret », p 17).
2 Bibliothèque Abbé-Grégoire, Fonds Joursanvault, pièce n° 81, 15 juin 1343 et n° 548, 18 février 1366.
3 Arthur Trouëssart, « La Commune de Blois de 1517 à la fin du XVIIIe siècle d’après les registres municipaux », Tome II, pages 229-230.
4 Louis Bergevin et Alexandre Dupré « Histoire de Blois », tome I, page 404.
Étape 2 : Auguste Michel (1927-1944)
Depuis le débarquement allié de juin 1944, les Allemands sont sur les dents et multiplient les opérations auprès des réseaux de résistants qui les harcèlent. C’est dans ce contexte que se déroule le drame qui a profondément marqué une famille gervaisienne, engagée dans la Résistance.
Originaire de la région lyonnaise, la famille Michel s’installe à Saint-Gervais-la-Forêt en 1933. Le père, grand mutilé de 14-18 et décoré de la Croix de Guerre, inculque à ses enfants (Marie-Louise et Auguste), le courage et l’énergie de se battre.
Auguste, né à Saint-Fons (69), le 24 décembre 1925, est familièrement appelé « Fito », pseudonyme qu’il va garder pendant la Résistance. Après l’école primaire de Saint-Gervais, il poursuit ses études au collège Augustin-Thierry à Blois. « À 10 ans, il rêvait d’entrer dans l’aviation et de devenir pilote1 ».
Quand survient la guerre, il n’a que 15 ans mais déjà il refuse l’idée de l’armistice. En 1942, il se prépare à partir en Algérie avec six de ses camarades collégiens, mais le projet échoue à la suite d’une maladresse. Les sept jeunes patriotes sont dispersés dans différents collèges. Fito entre alors au collège de Chinon où il fait preuve d’une implication remarquable dans son travail. « Puisse-t-il avoir déteint sur ses camarades ! » disait unjour la femme du principal. Un mois après son entrée à Chinon, Auguste est rappelé près de son père mourant. Ce malheur va décupler l’envie de réussir du jeune homme de 17 ans. À force d’un travail acharné, pour rattraper son retard, il réussit à obtenir en juin 1943, la première partie de son baccalauréat. « En 6 mois, j’ai rattrapé 6 ans ! » avait-il coutume de dire.
Revenu à Saint-Gervais, il entre dans la Résistance avec sa mère et sa sœur. Il organise au collège, où il suit la classe de mathématiques, un groupe de F.U.J.P. (Forces Unies de la Jeunesse Patriotique). Malheureusement, Auguste Michel est obligé de s’enfuir avant le baccalauréat, se sentant espionné par des émules du P.P.F. (Parti Populaire Français, parti collaborationniste). Toujours aussi motivé, Fito monte alors un maquis le soir-même du débarquement allié. Le 4 juillet 1944, il est nommé chef de détachement. C’est hélas le dernier jour de sa courte vie. Laissons au journaliste du « Patriote » le soin de raconter le drame :
« N’ayant pas le camion nécessaire au coup de main qui devait avoir lieu dans la nuit, il décida de rentrer chez lui. Il eut alors la malchance de rencontrer deux patrouilles allemandes. Il échappa à la première mais tomba sous le feu de salve de la seconde. Perdant son sang en abondance, l’artère fémorale coupée par une balle explosive, ce garçon de 18 ans eut cependant un courage admirable. Pour sauver sa mère et sa sœur, il passa devant sa maison et, abandonnant sa bicyclette sur la route, il alla mourir dans un fossé à quelque distance de chez lui. Les Boches ne l’y trouvèrent qu’une heure et demie, après ce fut sa mère, elle-même, qui le mit sur le brancard. Son enfant mort dans ses bras, elle affirma qu’elle ne le connaissait pas. Elle évita ainsi une perquisition immédiate de son domicile, perquisition qui aurait eu pour le mouvement Front National, les plus grandes conséquences. Tous les deux eurent ce geste sublime : l’un en se cachant pour mourir, l’autre en ne reconnaissant pas celui qui était toute sa vie, pour sauver leurs camarades de la Résistance ».
Il faut attendre le départ précipité des Allemands de la région blésoise pour organiser le transfert de la dépouille de Fito du cimetière de Blois à celui de Saint-Gervais.
La cérémonie se déroule le dimanche 22 octobre 1944. Le cortège, composé du 1er bataillon de Loir-et-Cher, d’un détachement de F.F.I., est précédé d’une longue colonne de jeunes gens les bras chargés de fleurs.
Sur le lieu même où Fito est tombé, Lucien Jardel, au nom du Comité départemental de Libération et du Front National, prononce un émouvant discours.
« Tu avais dix-huit ans, tu étais courageux et l’avenir s’ouvrait lumineux devant toi. La mort t’a fauché à un âge où tout chante, où l’enthousiasme va parfois jusqu’à l’exaltation ».
Après la cérémonie religieuse à l’église, le cortège se dirige ensuite vers le cimetière où le commandant Bourgouin lit la citation qui élève le sous-lieutenant Auguste Michel à l’ordre de la Nation.
Pour les trente ans de sa disparition en 1974, une stèle a été érigée près du lieu où Fito est tombé sous les balles nazies. Vingt ans plus tard, le 6 juillet 1994, une cérémonie patriotique est organisée près de la stèle pour célébrer le cinquantième anniversaire de la mort du jeune résistant. Étaient présents d’anciens camarades de combat et la sœur de Fito, Marie-Louise.
Cette dernière, qui a préparé soigneusement son discours (trois pages dactylographiées), retrace, en termes émus, les événements qui ont coûté la vie à son jeune frère et l’immense courage de leur mère qui a feint de ne pas reconnaitre son fils mourant dans ses bras.
Pour conclure, elle rappelle qu’il reste aujourd’hui de grandes causes à défendre face à la démocratie qui se trouve menacée (25 ans après, ce discours est malheureusement toujours d’actualité), « Nous avons encore un devoir à remplir c’est de laisser aux générations qui nous suivent le souvenir, la mémoire de ces années noires et des sacrifices que personne ne se doit jamais d’oublier2 », termine-t-elle en s’adressant à ses camarades de combat.
1 Journal « Le Patriote » du 16 septembre 1944.
2Fonds Georges Larcade. (Collection particulière).
Étape 4 : Le Prieuré dit "l'abbaye de l'Attrape"
Deux kilomètres de Blois, sur la rive gauche de la Loire, est un petit village dont le nom rappelle aux gourmets de savoureux souvenirs. C’est là que se fabrique la fameuse crème de Saint-Gervais. […]
C’est à « l’Amour sacré de la patrie » seulement que je dois d’avoir pour vis-à-vis cette bonne ville de Blois qui m’a donné le jour. Une promenade, droite comme un I majuscule, relie Saint-Gervais à ma ville natale. Sur l’extrémité de cet I tombe à l’angle droit un chemin communal longeant notre village et conduisant au Prieuré. Le Prieuré, c’est mon modeste domaine, que mon ami Dantan1 jeune a nommé, par extension, l’Abbaye de l’Attrape », écrit le magicien Robert-Houdin dans l’introduction de ses « Confidences2 ».
C’est le 17 janvier 1849 que Jean-Eugène Robert-Houdin achète une maison dite « Le Prieuré » à Saint-Gervais, « consistant en bâtiment, cour, jardin, terrains, biens et dépendances, d’une contenance de 2 ha 30 a 39 ca, pour la somme de 13 000 francs3 ».
Accrochée au flanc d’un coteau tapissé d’une épaisse verdure, la bâtisse domine tout le val qui s’étend jusqu’à la Loire et Blois. Pour l’artiste, c’est un retour au pays natal – il est né à Blois -, après plusieurs années de vie parisienne. Cette propriété était l’ancien domaine des prieurs de Saint-Solenne, vendue pendant la période révolutionnaire et qu’on appelait, pour cela, « Le Prieuré ». Le magicien y installe sa famille – sa femme et sa belle-mère – en 1850 et y séjourne lui-même entre deux voyages. Après une dernière mission en Algérie – entre octobre et novembre 1956 – pour contrecarrer l’influence des marabouts, Robert-Houdin abandonne la scène et se retire dans sa propriété.
De ce domaine, le magicien va en faire un fascinant théâtre de l’illusionnisme. La propriété va être truffée « de trucs », comme le dit lui-même Robert-Houdin « qui, sans être aussi prestigieux que ceux de mes séances, ne m’en ont pas moins donné dans le pays, la dangereuse réputation d’un homme possédant des pouvoirs surnaturels ». Et d’ajouter : « Ces organisations mystérieuses ne sont, à vrai dire, que d’utiles applications de la science aux usages domestiques ».
Aujourd’hui, les abords de la propriété ont beaucoup changé d’aspect. À l’époque de Robert-Houdin, un chemin coupait en diagonale le parc. Une grande grille en fer conduisait, par une allée très pittoresque, à l’habitation du maître.
Pour entrer dans le domaine magique, suivons Jean Chavigny4, le meilleur biographe du magicien : « Le marteau de la porte était un petit diable de bronze sous lequel se trouvait cette inscription : « Ne frappez pas sans nécessité », puis cette autre qui en disait plus long : Robert-Houdin. Le visiteur frappait. De la maison située à 400 m, la porte était ouverte électriquement. Aussitôt la plaque portant le nom du propriétaire basculait entièrement et laissait voir une autre inscription : « Entrez ! » » Dans le vestibule, un « grand régulateur électrique » ou « horloge type » transmettait l’heure aux cinq horloges de la maison.
Chacune des horloges fonctionnait grâce à une minuterie dissimulée derrière le cadran et mue par l’électricité. L’une d’elles, reliée à une porte à bascule dans la cuisine, se remontait automatiquement par les allées et venues des domestiques.
L’écurie, distante d’une quarantaine de mètres du logis, disposait d’un distributeur électrique, qui, trois fois par jour, servait à la jument « Fanchette » sa juste ration d’avoine, alors que la porte était fermée à clé.
À flanc de coteau se trouvait un petit pavillon muni de fausses persiennes peintes en vert, et de son toit émergeait le tube d’un périscope. À l’intérieur du pavillon, transformé en chambre noire, se trouvait une table de projection à plateau, de forme elliptique, sur laquelle se reflétait tout le panorama de Blois, pourtant situé à plus de 3 km !
1. Maison d’habitation 19. Grottes |
Non loin de la terrasse qui s’étendait devant le logis, s’ouvraient des grottes, véritables labyrinthes naturels que le magicien peuple de personnages fantastiques.
« Dans la première était un jardinier, le râteau à la main. Dans la suivante un ermite barbu et vêtu de bure, avec sa bible sur ses genoux, près d’une poule de céramique et d’une tête de mort dont les yeux vides lançaient des flammes […]. À côté s’ouvrait la chapelle avec diorama éclairé par une cheminée […]. Dans le parc se trouvait un petit ravin, sur le bord duquel un banc invitait le visiteur à s’asseoir ; et sitôt assis, celui-ci se voyait immédiatement transporté sur l’autre rive[…].
Au bout d’une allée était encore un tronc d’arbre creux, dans lequel on s’asseyait ; et, à la hauteur de la figure, on voyait soudain une tête de diablotin qui vous regardait en grimaçant. Plus loin, était un tir à la carabine, le tireur qui faisait mouche voyait paraître au-dessus de sa tête une couronne de feuillage. Enfin, au milieu du parc ombragé d’arbres séculaires, était un petit chalet pour les prestiges optiques.
Les spectateurs se tenaient debout, dans l’obscurité, devant une ouverture simulant la scène. À l’aide de trappes s’ouvrant et se fermant à volonté dans une annexe construite en dehors, la lumière du jour pénétrait facilement par graduation sur la scène, où l’on voyait apparaître une pierre tumulaire surmontée d’un hibou ; puis l’image d’une Vierge prenait la place du tombeau, se transformait en une jeune fille vêtue de blanc et couronnée de fleurs, pour enfin laisser place à un énorme bouquet, au-dessous duquel se formait insensiblement une rose qui s’interposait sur l’image de la jeune fille5 ».
De nos jours, il ne reste plus rien de ce « parc d’attractions » avant l’heure.
Toutes ces installations fantastiques, sorties du cerveau de ce savant hors pair qu’était Jean-Eugène Robert-Houdin, ont disparu à jamais ; seule reste la bâtisse qui garde tous ses mystères.
5 Jean Chavigny « Le roman d’un artiste : Robert-Houdin, rénovateur de la Magie Blanche » p 153 et 154.
Extrait du livre de Pascal Nourrisson « Saint-Gervais-la-Forêt, toute une histoire ! » p 115 à 120.
Étape 5 : Le Chateau de la famille Bergevin
Le château qui domine le coteau de la Loire, face à la ville de Blois, appartient à la famille de Warren, descendant de Louis-Catherine Bergevin qui l’a fait construire au milieu du XIXe siècle.
Le père de Louis-Catherine, Louis-Athanase Bergevin, déjà propriétaire de la Templerie par l’intermédiaire de sa femme, achète le fief de l’Aubépin en 1790 et constitue ce qu’on appelle la « Terre de Saint-Gervais ».
Bien avant la mort de son père en 1832, Louis-Catherine avait envisagé la construction d’une habitation plus spacieuse que la Templerie et surtout plus en rapport avec une terre qui atteignait tout de même 255 ha.
Au départ, il avait pensé restaurer le château de l’Aubépin. Mais son père l’en a dissuadé et en a, au contraire, démoli une grande partie. L’agrandissement de la Templerie, qui disposait d’une vue agréable sur la ville de Blois, correspondait mieux aux critères pour édifier une belle demeure bourgeoise.
Mais le site présentait deux inconvénients majeurs : le chemin communal menant du bourg aux ponts Saint-Michel (la rue du Château n’existait pas encore à l’époque) longeait la façade nord du bâtiment partageant ainsi le parc en deux parties – « le Clos Haut » et « le Clos Bas » – et, de l’autre côté de ce chemin, face à la Templerie, se trouvait une petite maison qui bouchait une partie de la vue sur Blois. Dès 1832, il commence par faire démolir cette maison qui appartenait à son père, puis il demande à la commune l’autorisation d’établir à ses frais un pont-levis passant au-dessus du chemin communal afin d’assurer un passage pour relier le « Clos Haut » du « Clos Bas » sans traverser la voie publique.
Cette autorisation lui est accordée le 10 novembre 1832 « moyennant le versement d’une somme de 100 francs et à la condition que le pont-levis ait une hauteur d’au moins 12 pieds et puisse être levé chaque fois que le besoin l’exigerait1 ». Mais cette mesure, dans l’esprit du propriétaire des lieux, n’est que transitoire en attendant que le chemin public soit supprimé. L’occasion finalement se présente en 1841.
1 Raoul de Warren « La Terre de Saint-Gervais au Val de Loire », p 235.
La commune ayant décidé la création d’un chemin reliant Saint-Gervais à Chailles en longeant le bas du coteau, Louis-Catherine est sollicité pour amputer sa propriété de 51,28 ares. Il propose aussitôt de renoncer au prix auquel il a droit si on lui abandonne, en contrepartie, le tronçon de chemin public qui passe sous ses fenêtres.
La commune accepte sa proposition à la condition qu’il réalise à ses frais deux chemins pour permettre une communication facile entre l’ancienne voie et la nouvelle. Le 6 mai 1842 tout est réglé.
Désormais les deux inconvénients majeurs étant solutionnés, Louis-Catherine Bergevin et sa femme, Mathilde Donnay (1816-1869) qu’il a épousée en 1831, peuvent réaliser leur rêve : agrandir la Templerie. Celle-ci n’avait que deux étages avec une façade côté Blois de 13,65 m percée de quatre fenêtres.
Un projet établi en 1842 par l’architecte blésois Jules de la Morandière prévoit de prolonger la maison de 6,80 m du côté Ouest et d’y ajouter un étage, la largeur du bâtiment qui était déjà conséquente – 14,25 m – ne changeant pas. Deux ans plus tard, jugeant l’agrandissement insuffisant, Louis-Catherine fait prolonger le côté Est de 9 m. Mais le résultat n’est pas très heureux. Cet agrandissement ressemble plus à un appentis qu’à une aile de château !
En 1846-1847, il engage de nouveaux travaux afin d’agrandir le côté Est de 5,55 m. Le château terminé dispose désormais d’une longueur de façade de 35 m ! « Pour unifier ces différentes constructions du côté de Blois, l’architecte imagina de placer sur la façade en pierre blanche de Bourré le système de balcons, de colonnes et de lucarnes rondes que l’on connait, en s’inspirant pour cela de la façade extérieure de l’aile Gaston d’Orléans du château de Blois ; puis, au moyen de remblais considérables, il créa le grand perron qui va d’une extrémité à l’autre du bâtiment qui comptait maintenant 35 m de longueur, ainsi que l’escalier à double révolution2 ».
2Raoul de Warren « La Terre de Saint-Gervais au Val de Loire », p 237.
Pour meubler le château une fois terminé, les époux Bergevin ont fait appel à un des meilleurs tapissiers de l’époque : Boucher.
Dès janvier 1843, les maîtres des lieux organisent des soirées somptueuses avec orchestre de huit à neuf musiciens pour inaugurer les salons flambant neufs. Ils renouvellent les festivités courant janvier-février 1844 à la fin des travaux. En même temps que le château, sont construits les trois corps de bâtiments des communs.
L’orangerie et la serre ne sont érigées qu’en 1859. Les travaux terminés, il restait à signer l’œuvre comme le veut la tradition. L’architecte, Jules de la Morandière se contente d’apposer ses initiales suivies de la date de la fin de la seconde construction sous le balcon de la façade côté ouest tandis que les propriétaires font apposer les leurs « MD-LB » sous le balcon de la façade côté Est.
À la mort de Louis-Catherine Bergevin, qui n’avait pas de fils, c’est sa deuxième fille Gabrielle qui hérite du château. Celle-ci ayant épousé en 1859 Camille de la Motte Ango, marquis de Flers, la terre de Saint-Gervais passe entre les mains de la famille de Flers en 1883 après une très longue procédure de partage.
Gabrielle Bergevin, marquise de Flers (1836-1915) a habité cette propriété de façon presque ininterrompue pendant quatre-vingts ans et s’est passionnément attachée au château. Durant son existence, elle procède à un certain nombre d’échanges et d’achats de terres dans le but d’agrandir le parc.
Entre 1879 et 1898, la marquise de Flers réussit à porter le haut du parc à ses limites actuelles. La sortie du parc sur la rue du Grouët (rue Robert-Houdin actuelle) est fermée par l’ancienne grille d’accès du Prieuré (depuis 1910), achetée à la mort du magicien en 1871 par Louis-Catherine Bergevin.
En janvier 1897, elle achète à la commune le chemin public qui empêchait de réunir depuis 1871, le parc de l’ancienne propriété du magicien à celui du château. « Pour obtenir l’accord de la commune, elle avait dû s’engager à construire au pied du pont du Cosson un lavoir pour permettre aux femmes de Saint-Gervais de laver leur linge ainsi qu’un petit kiosque pour qu’elles puissent s’abriter en cas de pluie3 ». Lavoir et kiosque ont aujourd’hui disparu.
À la mort de la marquise de Flers, le 15 décembre 1915, la Terre de Saint-Gervais passe à sa fille et unique héritière, Marguerite de Flers, vicomtesse de Montrichard suite à son mariage en 1881 avec Louis, vicomte de Montrichard.
3Raoul de Warren « La Terre de Saint-Gervais au Val de Loire », p 284.
Passionné de cheval, le vicomte a fait construire dans le parc un petit manège où il montait chaque jour. Il participait régulièrement aux chasses à courre à Cheverny organisées par son cousin germain le marquis de Vibraye. Infirme après une chute de cheval, il meurt en 1902.
Malgré son état de santé déficient, Louis de Montrichard réussit à apporter sa pierre à l’embellissement de la propriété. On lui doit le déplacement de la grille d’accès du château. Il fait aménager, suite à d’importants remblais, l’allée en ligne droite dans la direction qu’elle a actuellement.
C’est surtout sur le plan des aménagements intérieurs qu’il apporte des changements fort utiles avec entre autres des travaux pour amener l’eau au château (construction d’un réservoir près du mur du sous-sol et d’une vaste citerne sous l’orangerie, pose d’une pompe sur le puits de l’ancienne cuisine).
Marguerite de Flers, afin d’éviter les contestations qui s’étaient produites à la mort de son grand-père, décide en 1923 de procéder au partage de ses biens et de sa fortune entre ses trois fils (Roland, Fernand et Joseph). C’est le fils aîné, Roland, qui hérite de la Terre de Saint-Gervais, les autres frères se partageant les terres et les biens situés en dehors de la commune. Marguerite meurt le 23 décembre 1928, mais dès 1927, elle s’est déchargée entièrement sur son fils aîné de l’administration de Saint-Gervais.
Le nouveau propriétaire, le comte Roland de Montrichard (1882-1952), s’attache alors à exécuter d’importants travaux de modernisation : installation de l’électricité, du chauffage central, de l’eau courante (chaude et froide) à tous les étages, de nombreuses salles de bain, d’un monte-charge ainsi que des aménagements de salles avec entre autres l’agrandissement de la bibliothèque afin de recevoir la bibliothèque de l’abbé Porcher dont il s’était rendu acquéreur.
En 1930, grâce à un arrangement avec Camille Chautemps, ministre de l’Intérieur et président du Conseil, mais aussi propriétaire de la «Haute-Maison» à Saint-Gervais il réussit à récupérer le chemin communal qui prolongeait la rue du Mourier jusqu’à la route de Chailles et passait devant la grille du château. Cet arrangement permit au Comte de Montrichard « de reporter la limite du parc jusqu’au prolongement du mur extérieur de l’ancienne maison de l’Écu de France (ferme Ney) et de transporter la grille à son emplacement actuel à l’extrémité de l’allée des marronniers4»
En septembre 1938, le comte hérite de la terre de Cléron, « auquel il était destiné depuis 30 ans » et part pour la Franche-Comté. Au début de la guerre en 1939, le château qui n’était plus habité depuis un an, est occupé par la Croix-Rouge. Puis l’armée allemande en prend possession.
4Raoul de Warren « La Terre de Saint-Gervais au Val de Loire », p 308-309.
En 1941, les Allemands y installent le siège de la Kommandantur régionale. Puis se succèderont la troupe allemande, les F.F.I. et l’armée française du général de Larminat au moment de la Libération.
Pendant ces quatre années d’occupation, les enfants du comte et de la comtesse ont gardé, malgré tout, un contact avec Saint-Gervais, séjournant au presbytère alors inoccupé avec l’autorisation du curé. C’est là qu’ils réussissent à transporter en temps utile le mobilier des salons, les sauvant ainsi d’une destruction certaine.
Le château a subi des dégâts importants pendant la guerre. La toiture a souffert du mitraillage des avions. À l’intérieur, tout a été saccagé. Une partie du mobilier a été détruite et brûlée. « Le grand salon avait été transformé en chambrée pour les hommes avec des couchettes superposées jusqu’au plafond. Le salon du nord avait été rempli de paille jusqu’à une hauteur d’un mètre pour les usages que l’on devine », précise Raoul de Warren5.
De son mariage avec Catherine d’Aligny, le Comte Roland de Montrichard a eu deux fils (Louis et Henri) et deux filles (Claude et Marie). Après une donation-partage du 14 juillet 1950, c’est sa deuxième fille, Marie de Montrichard qui hérite de la Terre de Saint-Gervais.
Après la mort du comte en 1952, cette donation est confirmée par acte notarial du 2 janvier 1954. Marie s’étant mariée avec le comte Raoul de Warren en 1935, celui-ci devient alors le propriétaire de la Terre de Saint-Gervais.
D’origine irlandaise de par son père, Raoul de Warren (1905-1992) vient s’installer avec sa famille à Saint-Gervais seulement en 1964 bien qu’ayant pris possession de la terre en 1950. Pris par ses obligations professionnelles à Paris, le comte de Warren est obligé de résider dans la capitale onze mois de l’année.
Cela ne l’empêche pas d’engager des travaux de rénovation. D’abord, il achève la réfection complète de la toiture du château commencée par ses prédécesseurs. Il termine la remise en état de l’intérieur mais il apporte aussi des améliorations liées à la vie moderne : création d’une cuisine derrière la salle à manger à la place des anciens offices, installation d’un chauffage à mazout…
À la mort de Raoul de Warren en 1992, la Terre de Saint-Gervais est revenu à son deuxième fils, Thierry. Celui-ci a réalisé une nouvelle distribution des pièces pour créer trois appartements indépendants à usage de gites. En 2011, il transmet le domaine à sa fille ainée, Florence d’Anselme.
5Raoul de Warren « La Terre de Saint-Gervais au Val de Loire », p 311.
Extrait du livre de Pascal Nourrisson « Saint-Gervais-la-Forêt, toute une histoire ! » p 93 à 101.
Étape 15 : Église Saint-Gervais Saint-Protais
À partir du IVe siècle, Gervais et son frère Protais, martyrisés à Milan en l’an 64, font l’objet d’une extraordinaire dévotion populaire, et de nombreuses églises sont placées sous leur patronage.
D’après l’abbé Chesneau, « son voisinage avec le castrum blesense, ainsi que sa situation aux abords des routes romaines qui, par les ponts Saint-Michel, mettaient Blois en communication avec la rive gauche de la Loire, amenèrent sans doute les anciens évêques de Chartres à assurer d’assez bonne heure, en cette petite localité, un service religieux1 ». L’église paroissiale de Saint-Gervais remonterait-elle au moins à cette époque ?
Seules des fouilles archéologiques dans l’église et aux alentours permettraient d’en apprendre davantage sur l’histoire du monument.
Mais il est fort probable que plusieurs églises ont dû se succéder à l’emplacement de l’édifice actuel2.
En revanche, la première mention officielle et authentique de « l’église de Saint-Gervais en face de Blois » date de 1034. Gédouin de Saumur, vicomte de Blois et seigneur de Pontlevoy et Adénore, sa femme, fondent l’abbaye de Pontlevoy avec l’assentiment du comte de Blois, Eudes II.
Le 11 juillet 1034, Gédouin renouvelle cette donation en présence de l’évêque de Chartres3. En 1075, le fils de Gédouin, Geoffroy, ajoute à cette dotation l’église Saint-Gervais en face de Blois « ecclesiam quandam Sancti Gervasii in prospectu Blesis4 ». L’abbaye de Pontlevoy entre donc en possession de l’église de Saint-Gervais vers 1076. Cependant la paroisse était toujours administrée par l’archidiacre de Blois, au nom de l’évêque de Chartres.
Les parties les plus anciennes de l’église actuelle sont curieusement les plus hautes puisqu’il s’agit essentiellement du clocher. Cette tour carrée a été réaménagée deux fois : à la fin du XIIe siècle ou au début du XIIIe siècle, lors de la reconstruction du chœur et de la construction des voûtes et puis lors de la construction des chapelles. « Le haut de la tour était éclairé par quatre petites fenêtres hautes en plein cintre, appareillage typique du tout début du XIIe siècle5 ». Ces fenêtres ont été bouchées lors des travaux successifs du XIIIe siècle.
Pour reconstruire le chœur, les arcs qui soutiennent le clocher sont étayés pour permettre l’installation d’arcs brisés plus conformes à recevoir les nouvelles voûtes gothiques.
1 Louis Chesneau « La Paroisse de Saint-Gervais sous l’ancien Régime », p 6.
2Dossier ECCLESIA « L’église Saint-Gervais de Saint-Gervais-la-Forêt », p 5.
3 Archives départementales 41, 17H 1.
4 L’abbé Porcher dans « Revue de Loir-et-Cher », année 1901.
5 Dossier ECCLESIA « L’église Saint-Gervais de Saint-Gervais-la-Forêt », p 8.
Ce chœur prend la nouvelle forme à la mode : le chevet plat. Il est éclairé à l’est par trois fenêtres appelées « lancettes » à cause de leur forme (restaurées au XIXe siècle). Sur les côtés nord et sud, deux fenêtres à deux lancettes géminées éclairent également le chœur. Ces fenêtres ont été bouchées au XVIIIe siècle6. Les chapelles latérales faisant office de transepts sont construites à la fin du XVe siècle. La première à être édifiée est très certainement la chapelle nord, celle de la Vierge. Une niche décorée d’une accolade indique bien une construction de la fin du XVe siècle. Le collatéral nord, construit après la chapelle, est également un ajout de la fin du XVe siècle ou du début du XVIe siècle.
Après l’Édit de Blois contre les Protestants signé par Charles IX en 1562, des combats ont lieu à plusieurs reprises dans la région, notamment à Saint-Gervais dont l’église est incendiée en 1567. Elle est à nouveau saccagée moins d’un siècle plus tard, en 1652, lors des troubles de la Fronde, par les troupes de Mazarin, en même temps que les maisons sont pillées et les gens victimes de toutes sortes de vexations de la part des soldats.
Comme la plupart des églises en France, l’église de Saint-Gervais est entourée d’un cimetière. On avait coutume d’enterrer les enfants près de la galerie ouest. Certains allaient jusqu’à se faire enterrer devant la porte même de l’édifice religieux. Mais des bienfaiteurs de la paroisse et les curés ont eux le privilège d’être inhumés dans l’église (dans le chœur, dans les chapelles ou dans la nef par exemple près des fonts baptismaux).
En 1727, le prieur de la paroisse de Saint-Gervais est Jean Trottereau, official de l’évêque de Blois, chanoine de la cathédrale mais aussi propriétaire de la Templerie depuis 1722. À la tête d’une « certaine fortune » il décide d’entreprendre de gros travaux de restauration. L’autel, le sanctuaire et la sacristie sont alors construits.
Avant cette date, l’église ne possédait pas de sacristie à proprement parler. « Celle que le prieur fit construire alors était plus petite que la sacristie actuelle et n’avait pas, comme elle, de porte de sortie sur le dehors, mais seulement une fenêtre donnant sur l’ancien cimetière qui entourait l’église. Le presbytère se trouvait alors au bas de l’église ; et, au nord-ouest, il y avait, du côté de la chapelle de Notre-Dame, une porte de sortie, murée depuis, et permettant plus facilement au curé d’aller et venir de chez lui à son église, par le cimetière7 ».
En 1749, a lieu à l’église la bénédiction de la grosse cloche qui est toujours en place dans le clocher à l’heure actuelle. Celle-ci est la dernière œuvre d’un célèbre fondeur du Berry, Antoine Preverand, lequel en effet tombe malade à Saint-Gervais et y meurt huit jours après la cérémonie. Sur le flanc de la cloche sont gravés le nom du curé d’alors, André Bordier, celui du parrain, Messire Louis Duchesne, propriétaire de la Templerie, et celui de la marraine, l’épouse de Mahy Duplessis, dernier seigneur de l’Aubépin.
L’église est au centre de la vie communautaire : le curé, assisté des marguilliers élus par l’ensemble des paroissiens, a à gérer les quelques arpents de terre ou de vigne dont le revenu servait à alimenter une caisse de secours aux indigents, ainsi qu’à rétribuer le fossoyeur et le maître d’école. Sous la galerie qui protégeait la porte de l’église (et qu’on voit sur une vieille aquarelle datant de 1850 conservée au château) se fait la lecture des avis officiels et même l’annonce des ventes. C’est sous cette galerie que, le dimanche 1er mars 1789, les hommes de Saint-Gervais rédigent le cahier de doléances. En 1791, pour n’avoir pas prêté sans restriction le serment exigé par la Constitution civile du Clergé, l’abbé Cornet, curé de Saint-Gervais, est destitué. Les biens de la fabrique ainsi que le presbytère sont liquidés ou vendus.
L’église, saccagée, est fermée le 8 décembre 17938. Le culte n’est toujours pas rétabli en 1798. Il faut attendre le 16 novembre 1799, pour qu’une autorisation soit donnée au curé de Vineuil pour desservir Saint-Gervais.
Après l’arrêté ministériel du 20 décembre 1803 qui supprime d’un trait de plume la commune de Saint-Gervais et rattache à Blois son territoire, l’église est désaffectée, le cimetière autour de l’église est fermé. L’église va servir, en 1805, à loger quelques-uns des 700 prisonniers de guerre russes que doit héberger la ville de Blois. En 1814, l’église est enfin rendue au culte, rattachée à la paroisse Saint-Nicolas de Blois, mais desservie par le clergé de Vienne. En 1825, l’abbé Garapin, vicaire de Vienne (où il réside) et curé de Saint-Gervais, reconstitue un conseil de Fabrique. Celui-ci fait dresser un devis des plus urgentes réparations à faire à l’église laissée à l’abandon depuis 30 ans : la note est envoyée par le Préfet au maire de Blois. En 1826, les fonts baptismaux en marbre sont réparés et, en 1827, deux autels sont rétablis. Après l’ordonnance du 13 mars 1828 qui rétablit Saint-Gervais en commune, la vie municipale reprend petit à petit dans le village. Le Conseil nommé par le Préfet et installé le dimanche 4 mai 1828 « à l’issue de la messe », s’occupe sans tarder d’acquérir un terrain pour créer un cimetière. C’est chose faite en septembre 1832, grâce à une souscription ouverte parmi la population. Au milieu de ce nouveau cimetière on érige, sur le piédestal retaillé à cette occasion, la croix du vieux cimetière qui entourait l’église avant la Révolution.
En 1843, la municipalité fait réparer la toiture, année où elle acquiert également un presbytère. En 1853, des réparations sont faites à la cloche et, en 1854, elle fait installer de nouvelles gouttières9.
9 Dossier ECCLESIA « L’église Saint-Gervais de Saint-Gervais-la-Forêt », p 35.
Il faut encore attendre dix ans avant que des travaux plus importants soient entrepris. Le devis estimatif est établi le 9 septembre 1863. On prévoit la construction du collatéral sud avec trois pointes de pignon et des voûtes d’arêtes, et la restauration complète de l’édifice. À savoir : la réfection du transept, c’est-à-dire des deux chapelles, avec la reconstruction des fenêtres et le voûtement de la chapelle nord, recouverts jusque-là de lambris ; la restauration du collatéral nord, avec la surélévation du mur et la construction de pignons et de voûtes d’arêtes ; la réfection du porche d’entrée dont les montants et l’arc ont été conservés ; la couverture de la nef avec une voûte en plâtre ; la restauration des trois fenêtres du fond du sanctuaire ; les travaux de peinture, les vitraux ; l’achat d’un autel, sa peinture et sa dorure. Mais surtout, l’architecte Jules de la Morandière décide de supprimer le porche qui menace de s’écrouler, faute d’argent. « La restauration de ce porche était prévue, mais son état et le manque de financement ne permettront pas de le conserver10 ». Pour ces travaux, la municipalité a reçu une aide du Ministère de la justice et des cultes de 1 000 francs. La majeure partie de la dépense a été couverte au moyen de souscriptions volontaires s’élevant à 8 300 francs. Les travaux intérieurs prennent fin en mai 1867 et la cérémonie d’inauguration de l’église se déroule le 6 décembre 1868. La réception définitive des travaux s’effectue le 3 avril 1870.
Devenue insalubre et surtout très petite, la sacristie est agrandie en 1875. De plus, l’ancienne sacristie ne possédait pas de porte d’accès extérieure et n’avait qu’une fenêtre. Située en contrebas, l’humidité constante qui régnait dans la pièce oblige le conseil à restaurer une partie du carrelage en 1884.
Quelques années plus tard, peu avant sa mort, le même abbé Bressieux doit, contraint et forcé suite à la séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905, assister à « l’inventaire des biens dépendants de La Fabrique paroissiale de Saint-Gervais ». Cet inventaire a lieu le 23 février 1906. Sur ce document minutieusement rempli et qui n’oublie ni la moindre pièce de lingerie, ni le moindre éteignoir, les deux statues anciennes en bois de saint Gervais et de saint Vincent, qui étaient alors revêtues d’un enduit de couleur, sont inscrites comme « statues peintes sur socle en plâtre » et estimées 5 francs chacune, contre 25 francs pour un authentique plâtre de série représentant saint Joseph !
La loi de séparation provoque également la mise en vente, à Blois, d’une horloge provenant du couvent des Ursulines de la rue du Bourg-Neuf. Acquise par le Docteur Petiau (qui deviendra maire en 1919), restaurée par Alexandre Augé, elle est offerte en 1908 à la commune pour être placée à la façade de l’église, où elle se trouve toujours.
10 Ibid.p 365.
Docteur Petiau (qui deviendra maire en 1919), restaurée par Alexandre Augé, elle est offerte en 1908 à la commune pour être placée à la façade de l’église, où elle se trouve toujours.
Depuis 1906, la commune n’a plus à loger le desservant de la paroisse. Elle lui loue la maison dans laquelle elle le logeait jusque-là gratuitement et qui continue ainsi à servir de presbytère jusqu’en 1926. À cette époque, l’abbé Chesneau vient de s’installer dans cette maison dont la propriétaire depuis 1897 est madame Bimbenet. Celle-ci décide alors de léguer cette maison au Diocèse pour en faire le presbytère de Saint-Gervais. Or cette maison n’est autre que le presbytère d’avant la Révolution, qui a été confisqué et mis en vente par le Département en 1796 !
À partir de janvier 1913, et pendant des années, l’abbé Chesneau, curé de Saint-Gervais de 1907 à 1935, publie chaque mois, dans son bulletin paroissial, le fruit de ses recherches sur la passé de la paroisse et du village. En 1931, il pousse son dévouement pour sa paroisse en installant à ses frais l’électricité dans l’église. Le 30 août 1931, le conseil municipal accorde son autorisation.
Endommagée par les bombardements de juin 1940, l’église doit impérativement être restaurée. En 1944, des travaux sont engagés pour une somme de 24 214 francs correspondant à la fourniture et la pose de pierres de taille, de vitraux, de nouvelles fenêtres, d’ardoises et de zinguerie. Le plâtre des voûtes est aussi refait.
Une tempête le 29 décembre 1956 endommage gravement la toiture et le clocher de l’église. Le curé, l’abbé Roncin, s’empresse d’écrire au maire pour signaler les dégâts. La demande est examinée par le conseil municipal qui approuve la réfection totale de la toiture pour un montant d’un million et demi de francs, financé par un emprunt. Les travaux, dirigés par M. Rivet, sont réalisés par l’entreprise Gesmier, entrepreneur à Blois. Ces travaux comprennent la restauration de la toiture de la nef, du chœur, de la chapelle et du bas-côté sud, du clocher et de la sacristie, mais aussi le redressement d’une partie de la charpente du clocher déversée par la tempête et disjointe par les intempéries. « La pointe de la flèche, qui avait été tronquée au cours des restaurations antérieures, a été rallongée et rétablie dans sa longueur primitive11 ». La girouette en cuivre, percée par des balles lors de l’occupation allemande est remplacée par la croix et le coq, recouvert d’or, réalisés selon un dessin de C.J. Rivet. Lors de l’installation, ces deux attributs ont fait le tour du village avant d’être hissés en haut de la flèche nouvellement restaurée. La réception définitive des travaux a lieu le 25 janvier 1958. En 1960, la municipalité procède à l’électrification de la cloche, et une seconde est installée et bénite le 9 avril 1961. La sauvegarde de l’édifice est complétée par la pose d’un paratonnerre en 1980.
Bien que datant du XIXe siècle, les pierres de taille en calcaire tendre utilisées pour la façade ouest de l’église, la plus exposée aux intempéries, se sont peu à peu dégradées. La municipalité en 1983 décide alors la réfection de cette façade principale.
Jusqu’en 1867 et sa destruction, la façade principale était habillée d’un porche de charpente comme en témoigne l’aquarelle de 1850. Cent quarante ans plus tard, en 2007, l’église retrouve sa galerie d’autrefois (communément appelé « caquetoire » en Sologne) grâce à la municipalité Guédé, mais aussi aux trois entreprises mécènes (Do Emilio Amadeo pour la maçonnerie, Molet pour la charpente et couverture, Ineo Suez pour l’éclairage) qui ont réalisé les travaux. Si les matériaux et fournitures ont été achetés par la commune, ce sont ces entrepreneurs gervaisiens qui ont apporté leur savoir-faire et assuré la main-d’œuvre ; Frédéric Aubanton, architecte des bâtiments de France pour la région et également habitant de Saint-Gervais a assuré la maitrise d’ouvrage.
« Un solide muret de grosses pierres, sur lequel prennent appui les 9 tonnes de la charpente de vieux chêne, pour supporter une toiture faite d’épaisses ardoises d’Angers fixées aux clous de cuivres12 (5 200 ardoises d’un kg chacune !) ».
L’inauguration du nouveau caquetoire se déroule le samedi 22 septembre 2007, à l’abri de la galerie (la pluie s’étant invitée à la fête). Jean-Claude Guédé, le maire, rappelle la genèse du projet et remercie les entreprises mécènes. Désormais l’église a retrouvé l’apparence qu’elle avait jusqu’au milieu du XIXe siècle, concluant ainsi près de mille ans d’histoire.
11 Journal « La Nouvelle République » du 31 juillet 1957.
12Georges Cordier, « Notre Vie », septembre 2007..
Extrait du livre de Pascal Nourrisson « Saint-Gervais-la-Forêt, toute une histoire ! » p 48 à 56.